Le « Bonheur Intérieur Brut » et sa « vitre brisée »

14/9/2023
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Grégory
À la toute fin du mois de mai, le journal « The Economist » publiait les résultats d’une étude peu banale, avec le classement du « Bonheur Intérieur Brut » mondial. Soit un « PIB » revu et corrigé pour 170 pays, face à certaines aberrations à l’intérieur d’indicateurs de croissance économique. Elles pouvant être illustrées par l’exemple ou théorie de la « vitre brisée ».

 

Et si la véritable richesse intérieure d’un pays… ne revenait pas à son économie mais au bonheur de ses habitants ? C’est en tout cas la pensée développée par Jigme Singye Wangchuck (photo ci-après) en 1972. Un adolescent de 16 ans alors, intronisé cette année là roi du Bouthan. Soit un tout petit état himalayen de 700 000 âmes, situé à l’extrême sud-est de la chaîne de montagnes. Mais zappons !

Appelé « Bonheur National Brut » par le souverain, son indicateur est officiellement présenté en 1998 lors du Sommet du Millénaire Asie-Pacifique. Un travail long de 26 ans donc, au service d’un objectif précis : concilier les valeurs spirituelles du bouddhisme et la possibilité d’une croissance durable.

 

Pour ce faire, 4 critères sont développés pour obtenir les premiers résultats du« BNB » de son état : la croissance et le développement économique / la conservation et la promotion de la culture bhoutanaise / la sauvegarde de l’environnement et la promotion du développement durable / la « bonne gouvernance » responsable.

 

Ainsi, même avec une dénomination un peu farfelue à première vue… ce « BNB » ou « BIB » - 2 noms pour une même idée - et ses strates de réflexions le sont beaucoup moins. Différents éminents penseurs comme le prix Nobel d’Économie Joseph Stiglitz, ayant repris puis retravaillé cette idée. Un nom à ne pas confondre avec Joseph Schumpeter ! Père du concept de la « destruction créatrice » dont nous vous parlions récemment.

La vitre brisée… qu’est-ce que c’est ?

 

Pour appréhender plus aisément l’utilité possible du « BIB », il existe une expérience de pensée en socio-criminologie pouvant ici s’appliquer. Apparue pour la première fois en 1982 aux USA, il s’agit de « la théorie de la vitre brisée ». Un concept conçu dans le but de mieux comprendre qui est l’oeuf et qui est la poule entre insécurité et incivilité dans les rues à ce moment « pleines à cracker » d’un New-York heureusement révolu.

 

Ainsi, prenons pour fenêtre de vue un sympathique cambriolage avec violence. Sous un angle économique pur, cet évènement sera retranscrit comme positif dans les chiffres, car il est créateur de valeur. Intervention d’un fenêtrier ou serrurier, de la police, rachat du matériel cassé, volé, hospitalisation, suivi psychologique, maison de santé, rééducation, traitement médicamenteux, hypnose yoga, etc etc… Sont autant de possibilités - voire nécessités - entrainant prestations, consommations et / donc hausse du « PIB » .

 

Seulement vous en conviendrez, il serait plus difficile de soutenir le positif de cette situation face à une personne l’ayant expérimentée ! Car arrive alors ce qui manque ici ou là dans différentes données économiques : l’humanité et « l’après ».

 

En effet, traumatisme profond ou durable, arrêt voire perte de son travail, sentiment d’insécurité, isolement, baisse de l’envie de sortir ou consommer… sont autant d’autres possibilités. Comme peut arriver l’alcool pour « soutenir » les victimes chaque jour et sans modération. L’alcoolisme ou les états dépressifs pouvant également entrer par le carreau de la vitre brisée.

 

« Social Progress Imperative » et « Bonheur Intérieur Brut »

 

De ce fait, différents acteurs ou analystes souhaitent aujourd’hui contextualiser plus finement les richesses créées, par l’intégration ou l’imbrication de data plus humaines. Soit une même envie de « socio-économie » qu’Abraham Maslow et sa pyramide des besoins finalement ! Un autre sujet également traité il y a quelques temps.

 

En mai dernier par exemple, le journal « The Economist » publiait les résultats d’une étude menée conjointement par des chercheurs du « Massachusetts Institute of Technology » et d’Harvard pour le compte de l’Organisation Non Gouvernementale « Social Progress Imperative ».

 

Afin d'analyser le « BIB » de 170 pays, une cinquantaine de critères sont définis à l’intérieur de 3 piliers : les besoins de bases (alimentation, sécurité, logement…) / les besoins à long terme (éducation, environnement…) et les droits humains (non discrimination, respect des libertés individuelles…).

Comme montré au dessus, ce sont les pays germaniques et nordiques qui dominent ce classement. Rien d’étonnant d’une manière… Comme finalement la présence de 15 pays européens dans le Top 20. Les 5 « exceptions » étant le Canada, la Nouvelle-Zélande, l’Australie, le Japon et la Corée du Sud.

 

Concernant la France, notre territoire se trouve à la 18ème position, limité par des problématiques d’inclusivité, de sécurité personnel et d’accès à l’enseignement supérieur. Là où, côté bons côtés, on peut retrouver le respect des droits humains, des connaissances de bases chez chacun, comme une bonne qualité dans notre alimentation et dans nos soins médicaux.

 

Les champions du « PIB » à la traîne du « BIB »

 

Ce classement permet également de comparer les positions des grands acteurs économiques mondiaux. Pour retrouver la 1ère puissance américaine, il faut descendre jusqu’au 31ème rang. Une place principalement due à leurs problèmes de santé publique, de drogue(s) et de sécurité. Un dernier point expliqué par près de 400 millions d’armes en circulation aux États-Unis, pour une population de 330 millions d’habitants.

 

En poursuivant, c’est le Brésil qui apparait à la 75ème position. Soit une perte de 17 places au « BIB » depuis les années 90. Ensuite, on retrouve la République Populaire de Chine comme 103ème pays. Soit un résultat très (très) moyen, expliqué par la pollution produite / existante / émanante de la Terre du Milieu, et ses « difficultés » pour respecter les droits humains. Enfin, il faut encore descendre pour voir l’Inde et ses fusées pointer leurs nez à la 121ème position, prise en sandwich entre le Myanmar (ex-Birmanie) et la Gambie. Tandis qu’en Afrique, le Nigéria - pays le plus « riche » et peuplé - avec ses 200 millions d’habitants, se trouve non loin de l’Inde mais en deçà, au 126ème rang.

 

Alors face à ces résultats, il apparait que si la croissance est bien un indicateur important pour appréhender l’état d’un pays… L’économie oublie encore trop souvent ceux des corps et de l’esprit. Des dimensions pourtant fondamentales aujourd’hui pour comprendre les réalités présentes et futures de nos secteurs ou activités. D’autant qu’à y regarder, « PIB » et « BIB » ne semblent pas tant faire correspondance ! Mais plutôt inversion des polarités. Nouvelle preuve qu’il est bien l’heure de remonter les pendules de nos économies ! Comme replacer ensemble, le sens au coeur de nos métiers. #AllezOnSeBouge

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